Myla marchait dans les rues bondées. La fin d'après-midi était l'heure de pointe du shopping, surtout lorsqu'il faisait beau. La neko avait donc profité de la météo pour s'éclipser sans que son maître s'en aperçoive. Elle savait qu'elle risquait gros mais elle avait besoin de prendre l'air. Elle voulait explorer sa ville car elle n'en avait jamais eu l'occasion. Son regard émerveillé s'arrêtait sur chaque devanture de magasin. Plusieurs fois, la jeune neko s'était arrêtée devant un magasin, rêvant de posséder tel ou tel vêtement et s'imaginait avec mais jamais elle n'avait osé entrer. Elle n'aurait de toute façon pas su payer : elle n'avait pas d'argent sur elle et son maître ne lui donnait aucun salaire.

- Un esclave n'a pas besoin de salaire ! avait-il dit.

C'était sa façon de penser et Myla ne pouvait lui en vouloir, trop heureuse qu'il lui ait offert la chance de recommencer une nouvelle vie. À force de penser, elle en oublia de regarder où elle allait si bien qu'elle finit par se perdre. Timide, elle n'osa pas demander son chemin. Elle resta donc dans la rue, à errer.
La neko eut soudain le regard attiré par les néons d'une devanture. "BAR", était-il indiqué. Myla frissonna. Elle n'aimait pas ce genre d'endroit mais quelque chose l'attirait irrésistiblement vers le bâtiment. Humaine, elle n'était jamais allée dans un bar et elle s'était toujours demandée si l'intérieur était vraiment comme dans les films qu'elle avait vus, étant petite. Avec sa mutation, la part d'enfant qu'il y avait dans Myla a grandi.
Tremblante, elle s'approcha de la porte vitrée derrière laquelle deux panneaux pendaient, accrochés par des ventouses à la vitre "OUVERT" et "POUSSEZ". Elle hésita un instant avant d'entrer. Une odeur d'alcool assailli ses narines et la fit sursauter. Elle ne s'attendait pas à une odeur aussi désagréable. Par contre, la décoration de la salle ressemblait bien à ceux des films. Myla s'installa à une table, près de la fenêtre et s'intéressa aux clients du bar. Des humains, pour la plupart mais aussi quelques nekos. Par contre, le personnel était uniquement composé de nekos. Ensuite, elle s'intéressa à l'extérieur et ses passants.

- Vous désirez quelque chose ?

Myla sursauta. Elle n'avait pas entendue la serveuse arriver et ne s'attendait pas à être abordée : d'habitude, on ne faisait pas attention à elle. Elle ne prit pas le temps de détailler l'employée. Effrayée, elle en oublia qu'elle n'avait pas d'argent sur elle.

- Un jus de fruit, s'il vous plaît. balbutia-t-elle faiblement.

- Je vous apporte cela tout de suite, répondit la serveuse en sortant un calepin et en notant la commande avant de repartir.

Myla continua de regarder à l'extérieur et fut à nouveau interrompue par la serveuse.

- Voici.

Myla remercia l'employée et se mit à siroter son jus de fruit tout en observant ce qui se trouvait autour d'elle.

Myla entendit la porte s'ouvrir et vit une autre humaine entrer. Elle détailla la nouvelle venue comme elle avait détaillé à peu près tous les clients du bar. Comme elle, l'humaine semblait incommodée par l'odeur d'alcool. Elle avait de longs cheveux blancs et des yeux rouge sang qui la firent frissonner d'angoisse. Ensuite, Myla se désintéressa de la nouvelle venue et reporta son attention sur son verre aux trois-quarts plein jusqu'à ce qu'un léger sursaut à la table voisine lui fit relever la tête. La nouvelle venue s'était installée à une table voisine de la sienne. Derrière elle, la serveuse repartait en direction du comptoir.
Cette humaine intriguait Myla. Cette humaine n'était pas comme les autres. La neko en était certaine mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui clochait.
L'humaine posa sa tête sur ses bras croisés jusqu'à ce que la serveuse revienne avec sa commande. Ensuite, elle remit précipitamment son bandeau mais Myla avait vu ce qu'elle essayait de cacher : un petit morceau d'oreille de chat avait dépassé. Elle sursauta, s'attendant à tout sauf à cela. Myla continua à regarder la neko, ne remarquant pas que celle-ci l'observait du coin de l’œil.
Myla était tiraillée entre l'envie d'aller lui parler et la peur d'être mal accueillie par sa semblable. D'ailleurs, elle devait bien l'avouer : cette neko lui faisait un peu peur. Elle continua de l'observer, hésitante. Elle manquait cruellement de confiance en elle et était très timide mais, jusqu'ici, sa curiosité n'avait jamais été sur le point de prendre le dessus. Elle s'était presque toujours désintéressée à tout et n'avait donc jamais été confrontée à ce genre de situation. De plus, elle avait la fâcheuse manie de trop réfléchir, ce qui lui faisait souvent abandonner : plus elle réfléchissait et plus elle avait envie d'abandonner.
Finalement, Myla décida de se donner un quart d'heure. Si dans un quart d'heure, la neko n'était pas venue l'aborder ou qu'elle quittait le bar, elle irait l'aborder. Peu importe les conséquences.

Lorsque la neko fit un sourire à Myla, celle-ci se sentit tout de suite un peu plus rassurée. Elle hésita un peu avant de se lever et de s'approcher de l'inconnue, son verre de jus de fruit à la main. Ensuite, elle désigna la chaise en face de la neko.

- Cette place est libre ? murmura-t-elle en rougissant et en baissant le regard.

Les contacts sociaux n'étaient pas le fort de Myla. Elle était trop timide et donc, elle avait les fâcheuses habitudes de ne jamais regarder son interlocuteur dans les yeux et de parler à voix basse.
La neko hocha la tête, sans rien dire. Myla s'assit en remerciant son interlocutrice d'un petit signe de tête. Elle posa son verre sur la table et s'assit en gardant toujours les yeux baissés. Mais, du coin de l’œil et le plus furtivement qu'elle pouvait, elle détaillait la neko assise en face d'elle. Elle ne pouvait s'empêcher de la regarder : elle essayait de deviner pourquoi elle cachait ses oreilles et sa queue alors qu'elle-même se baladait en rue sans cacher sa nature et elle n'avait jamais eu de problème. Était-il donc dangereux de montrer ses attributs de neko en pleine rue ? Myla avait-elle juste eu de la chance jusqu'ici ? À ces pensées, elle frissonna.
Ensuite, elle vit que la neko attendait. Myla chercha rapidement quoi dire et la seule chose qui lui vint en tête fut de se présenter. Elle préféra garder la façon de parler qu'elle utilisait d'habitude avec son Maître.

- Je me nomme Myla, murmura-t-elle. Et vous ?

Mula n'attendit pas la réponse de son interlocutrice pour continuer à parler. Quitte à poser des questions, autant toutes les poser.

- Vous m'intriguez... Pourquoi vous cachez-vous ? Les humains détestent-ils donc les nekos au point de les pousser à se cacher ?

Ensuite, elle se rendit compte que cela ne la regardait pas et qu'elle avait sans-doute été un peu trop loin et très impolie. Myla baissa la tête en rougissant de plus belle.

- Excusez-moi, les réponses ne me regardent pas... Veuillez pardonner mon impolitesse et ma curiosité... Je vous dérange peut-être... Voulez-vous que je vous laisse tranquille ?

Myla regarda Alex, ébahie. Elle ne pouvait comprendre qu'Alex ne veuille pas avoir de Maître alors qu'elle avait passé des mois à attendre à l'animalerie la venue d'un maître. La nature serviable de Myla était peut-être la cause de cette volonté de servir un maître. Elle ne dit pas un mot, ne voulant faire aucun faux-pas.
Myla suivit le regard d'Alex lorsque celle-ci se retourna vivement pour fusiller du regard un humain. Elle sursauta, effrayée par ce regard que lançait cet homme à son amie. Celle-ci se retrouna vers Myla.

- Un conseil, ne vient jamais en jupe dans cet endroit, dit-elle.

Ensuite, elle sourit et jeta un morceau de papier à l'homme. Le teint de Myla se fit encore plus pâle. Elle baissa les yeux vers ses jambes : elle avait mis une robe, aujourd'hui. Elle frissonna de peur en lançant des regards désespérés autour d'elle.

"Dans quel pétrin me suis-je encore fourrée ?" pensa-t-elle.

Myla ne parvenait pas à se calmer, même si elle savait que son agitation n'allait pas tarder à attirer l'attention. Elle était juste terrorisée par l'idée qu'on puisse lui faire du mal. Rien que les regards pervers que lançaient les hommes suffisaient à la pétrifier.

"Je n'aurais jamais dû venir ici... Je n'aurais jamais dû quitter le manoir... Pourvu que j'arrive à sortir d'ici en vie et en bonne santé mentale... Si je m'en sors, je me promets de ne plus jamais sortir du manoir sans l'autorisation du Maître...Oh, pitié..."

Ensuite, elle lança un regard suppliant à Alex.