Un sourire attendrit se trouvait sur les lèvres d’Akiro lorsque le neko vint se poster devant lui, ses yeux dépassant légèrement de la pile de vêtements. Elle avait conscience d’avoir sans doute exagéré un peu, mais son enthousiaste provenait d’un bon sentiment. Mary était tellement désireuse de plaire à son maître sous son apparence travestie qu’elle n’avait su résister à un seul morceau de vêtement qui avait accroché sa paupière. Ses oreilles s’agitèrent un peu en entendant des murmures désapprobateurs derrière elle. Elle put distinguer un certain nombre de mots parmi lesquels elle comptait « impensable » « qu’un esclave » et « irrespectueux ». Elle leva de grands yeux désolés vers son maître qui continuait de lui sourire de manière bienveillante, prête à aller reporter un certain nombre de vêtements si il le lui demandait, cependant il n’en fit rien. Le grand brun s’approcha d’elle pour lui débarrasser les bras d’une pile de vêtements, la laissant emmener le reste vers la caisse.

-Deux-cents-soixante-quinze dollars et soixante sept sous, s’il vous plaît!

La caissière tendit patiemment la main et une liasse d’argent passa des mains fortes et masculines à celles de l’employée. Misa suivit l’échange avec un intérêt coupable. Elle n’avait que trop peu de connaissance en matière d’argent, mais elle savait de manière certaine que la quantité de billets qu’Akiro avait cédés signifiait qu’il avait payé cher pour les emplettes de l’hybride. Une fois que la vendeuse ait fini de mettre le tout dans des sacs, son maître se dépêcha d’attraper les deux premiers, précédant le neko vers la sortie. Dans un mouvement rapide, Mary passa le sac sur ses épaules et y fourra le dernier sac avant de partir à trottiner derrière le beau brunet. Avant de passer la sortie, elle se retourna pour jeter un petit regard de défit aux autres clients du magasin qui avaient médits sur eux.

- Je devrais prendre ces sacs maîtres… mes mains sont libres.

Le jeune homme ne répondit pas, se contentant de continuer à avancer, laissant le neko les mains ballantes. Misa leva les épaules en signe d’acceptation, après tout elle lui avait proposé son aide, après cela ce serait plus de l’impolitesse que de la serviabilité que de lui prendre les sacs de force. La neko se surprit à gambader légèrement, laissant le vent souffler dans ses cheveux et la fourrure de ses oreilles, sa queue se baladait derrière elle sur le rythme d’une musique imaginaire. Cela faisait un moment que la jeune hybride n’avait pas gouté à la liberté et elle s’amusa à détailler le paysage qu’ils rencontraient. Un rien l’émerveillait, de l’animalerie avec de jolies neko mises en valeur par les rubans et vêtements sexy à outrance aux boutiques de friandises et pâtisseries aux douces odeurs de pain. Un grondement résonna au creux de son ventre et la neko réalisa qu’elle ne pouvait même pas se souvenir quand était la dernière fois qu’elle avait mangé un repas digne de ce nom. Le reste de leur marche se passa dans le silence, seuls résonnait le léger bruit des chaussures que le jeune homme portait.

Ils arrivèrent finalement devant une immense demeure entourée de toute part par une grille qu’Akiro ouvrit sans cérémonie avant de la précéder dans la cour. Mary resta un moment à contempler la demeure qui pouvait facilement faire compétition au manoir de son défunt père jusqu’à ce qu’elle réalise que le jeune homme en était déjà à mi-chemin. Trottinant joyeusement à sa suite, la neko le rattrapa à temps pour le suivre au bar où le brunet déposa devant elle un grand verre de lait. L’hybride le remercia d’un grand sourire, puis s’empressa de caler le liquide dans le fond de sa gorge qui disparut en de grandes gorgées. La jeune femme redéposa le verre dans un long soupire sous le regard amusé de son maître qui finissait également son soda. Un nouveau grognement survint et la neko plaqua les deux mains sur son ventre afin d’essayer de le faire taire, mais Akiro ne semblait pas avoir entendu les gargouillements.

- Tu devrais peut-être aller prendre une douche, cela fait surement longtemps que tu n’as pas eu cette chance. Dans le couloir à gauche, la deuxième porte à droite. Une serviette et un gant de toilette t’y attendent déjà.

Trop heureuse pour se soucier de son secret, la neko hocha vivement la tête avant de gambader joyeusement dans la direction indiquée. À l’entrée de la salle, Mary déposa le sac sur le comptoir, puis elle retira rapidement jean, chandail, t-shirt et accessoires et les déposa doucement sur le sac. Misa ne pouvait se plaindre qu’elle n’avait pas de choix, devant elle se trouvait un bain sur pied magnifique à forme incurvée comme pour accommoder le corps de son utilisateur ainsi qu’une grande douche vitrée opaque à porte coulissante. Se souvenant de la proposition de son maître, la jeune hybride prit la serviette et la passa par-dessus la porte de la douche et y mit le gant avant de retirer le bandage toujours aussi sale et de le mettre précautionneusement sur la toilette.

La neko entra dans la douche et ouvrit l’eau, montant peu à peu la température jusqu’à ce qu’elle fasse de petits volutes de vapeur en touchant sa peau et profita de sa chaleur pendant un temps. Par la suite, la jeune femme prit le gant et entreprit de se savonner. Elle était déjà presque propre lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir et réalisa qu’elle avait oublié de verrouillée, trop prise à son plaisir d’être enfin propre.

-Ne t'inquiète pas, ce n'est que moi, je me suis dit que tu aurais très certainement besoin d'aide pour refaire ton bandage, alors me voilà.

Ce n’est qu’en entendant la vois de son maître que l’hybride prit conscience de ses attributs féminins. Son regard dévisagea dans une expression de panique sa poitrine maintenant libérée sur laquelle on pouvait voir les petites traces que le bandage avait laissées en les serrant aussi fort. Mary poussa un juron entre ses dents, comment avait-elle pu oublier qu’il fallait qu’elle les cache. Pendant une seconde, l’idée folle lui vint qu’il ne les remarquerait pas, mais elle réalisa bien vite que même si leur taille était modeste, ils ne pouvaient passer inaperçu pour aucun être doué de raison ayant déjà connaissance de ce qu’était une poitrine féminine.

- Non, non! Ne vous en faites pas je l’ai fait déjà tant de fois seul, je suis capable de le faire. Ce n’est pas bien sorcier et puis je m’en sors mieux lorsque je le fais seul. Non, vraiment je jure!

La voix de la neko était très agitée et un peu plus aigue dut à la panique. Elle avait oublié de voiler sa voix et se maudissait en espérant ardemment qu’Akiro sortirait pour la laisser faire. Vivement, la neko se retourna dos à la porte pour rincer ses cheveux pleins de savon.

L’eau chaude qui coulait sur le dos de la jeune femme la rassurait un peu tandis qu’elle réfléchissait à un moyen de s’en sortir. La respiration de Marysa était forte et rapide dut au stress et derrière la porte, la jeune femme pouvait entendre les pas discrets de son maître près du comptoir. Les mains de la neko agrippèrent les cheveux qu’elle était en train de rincer dans un mouvement de désespoir, comme pour forcer son cerveau à laisser sortir une idée qui arrangerait tout.

-Nous allons vivre ensemble, autant s’habituer dès à présent à le faire.

Le ton n’admettait aucun commentaire et l’hybride se cogna légèrement le front sur le mur de la douche désespérée. Elle se tut et tout simplement termina de rincer les cheveux coupés à la garçonne qui lui avait tant de fois sauvé les apparences et qui ne lui étaient pas d’une grande utilité sur le moment. L’eau faisait un petit bruit agréable près de ses oreilles, ce qui empêcha la jeune femme d’entendre le jeune homme approcher de la douche.

-Allons, ne t’en fais pas, je sais à quoi ressemble un n…

La voix de son possesseur était déjà top près lorsque la jeune femme réalisa qu’un courant d’air froid flottait sur son dos. Mary se retourna vivement comme réflexivement pour croiser le regard ahuri d’Akiro qui descendit sur son corps, suivant attentivement la courbe de la poitrine puis celle des hanches. La jeune femme tenta vainement de cacher ses atours de ses mains, mais il était évident dans la pupille de son maître que sa vrai identité ne lui était plus étrangère. La neko était en panique et ses yeux balayaient les bords de la douche cherchant un espace assez grand pour qu’elle puisse s’y faufiler, mais le brunet couvrait l’ouverture, la coupant de toute échappatoire possible.

-…ou devrais-je dire… une neko..

Sa voix étaient légère et avait un ton plutôt pervers que la jeune hybride avait déjà entendu et elle se désespéra d’avoir à attaquer à nouveau un humain pour protéger sa virginité. Misa recula jusqu’à ce que son dos soit entièrement collé au mur de la douche, fixant le jeune homme qui n’esquissa pas un mouvement dans sa direction. Au bout d’une trentaine de secondes qui passèrent comme une éternité pour la neko, Akiro ferma la porte dans un long mouvement lent. C’est à ce moment que les jambes de l’hybride cessèrent de la supporter et Marysa glissa le long du mur jusqu’au sol froid de la douche.

-Quand tu auras terminé, viens me retrouver dans le salon, il me semble évident qu’une discussion nous attend.

Le ton doux et posé de son maître n’arriva toutefois pas à calmer la jeune femme qui passa les doigts dans ses cheveux mouillés qui collaient à sa nuque et les tira fort pour l’aider à se ressaisir. Déroulant sa colonne dans un mouvement félin, Mary sorti de la douche d’une démarche incertaine. Un bref coup d’œil vers la porte lui confirma que le jeune homme avait quitté la pièce fidèlement à ses paroles et elle s’empressa de s’emparer du bandage. La neko resta quelques seconde avec le tissu dans la main et décida de l’enfiler, prenant bien soin de serrer sa poitrine le plus possible afin qu’elle n’apparaisse pratiquement pas, même sans la chemise. Une fois sa masculinité rétablie, elle enfila la chemise rouge ainsi que le jean noir auxquels elle ajouta la ceinture à stods et le bandeau qu’elle plaça dans ses cheveux, laissant s’échapper quelques mèches, seul signe trahissant à peine sa féminité. Son reflet dans le miroir lui révéla un jeune hybride aux yeux rougis d’avoir pleuré habillé de ses plus bels atours et les oreilles aussi collés à sa tête que ses cheveux humides.

À l’angle du mur, la neko observa le salon avant d’y entrer, ne distinguant que le haut des cheveux ébouriffés d’Akiro assi sur un divan de style victorien aux teintes d’acajou. L’hybride lissa machinalement sa chemise et se donna un peu de courage d’un soupir avant d’avancer d’un pas long vers le meuble. Une fois face à son maître, la jeune femme s’assit nerveusement sur le fauteuil devant lui, le dos bien droit et la queue battant les accoudoirs du siège, elle négligea la place que le jeune homme avait dut garder pour elle près de lui. Marysa garda le silence, ses grands yeux vides fixés dans ceux du brunet. Un million de choses passaient par la tête de la neko qui s’efforçait de conserver son sang froid. Elle n’avait surtout pas envie de retourner à l’animalerie, mais si tel était le cas, elle espérait pouvoir s’y rendre dans cette mise. Elle misait sur la gentillesse dont Akiro avait fait preuve jusqu’à présent pour ne pas la forcer à révéler sa féminité aux yeux pervers des vendeurs qui ne tarderaient pas à lui voler cette virginité si chèrement défendue. De petites larmes se formèrent au coin des yeux de la neko qui s’efforça de les ravaler en attendant que son maître prenne la parole, elle attendait que la sentence tombe dans l’espoir sans doute vain qu’elle serait clémente. Il ne savait même pas son vrai nom, dans le fond il ne savait rien d’elle, pourquoi aurait-il envie de la protéger après cette trahison évidente.

Le silence s’épaissit entre eux, imposant un malaise grandissant que Marysa se sentait trop craintive pour briser. Elle fixait le brunet du coin des yeux tout en gardant la tête baissée, ses oreilles invisibles au dessus de sa tête témoignaient de son angoisse grandissante, elle n’arrivait pas à lire son regard. Il pouvait tout aussi bien être en colère, n’importe quel homme de son calibre le serait après s’être fait aussi insidieusement trompé par un être inférieur. C’était bel et bien ce qu’elle était, une esclave, une servante au mieux. Il ne lui avait jamais été permis de penser mieux de sa condition dans le manoir de son père, elle ne pouvait espérer aucune tendresse de par sa relation avec lui. Elle avait toujours été traitée sévèrement, dédaignée au profit de la si jolie princesse qu’il avait eu de sa femme légitime. Après tout, la mère de Mary n’était qu’une neko elle aussi, elle n’avait aucun pouvoir sur sa condition, mais elle avait tout de même eu la présence d’esprit de voiler l’identité du bébé derrière des allures masculines. Le cours des pensées de l’hybride furent interrompues par la voix douce de son maître.

-Silence tyrannique contre lequel il faut lutter pour le briser. Dieu que je déteste cette atmosphère pesant... Quoiqu'il en soit, je voudrais avoir ton explication sur ce qui vient de se passer, même si j'ai ma petite idée sur le pourquoi du comment. Mais les arguments de la personne concernée valent toujours mieux que des hypothèses incertaines, alors je t'écoute…

Aucune sentence, pas de précision quant à son futur, même pas une petite lueur d’espoir, non, seulement l’expression de l’évidence. Bien entendu qu’il voulait son histoire, mais comment aurait-elle pu la lui raconter sans être certaine qu’elle ne détruirait pas la fragile relation qu’ils avaient. Elle ne pouvait pas encore lui faire confiance, elle ne pouvait pas se confier sans être certaine que son histoire ne lui donnerait pas envie de la faire se reproduire. Les grands yeux dorés de la neko se levèrent vers Akiro, elle avait peur et n’arrivait pas à parler tellement sa gorge était serrée par l’émotion. Un clignement d’yeux força les gouttelettes qui s’accrochaient à ses paupières à tomber. Le tissu sombre du jean absorba l’eau tandis que la jeune neko passait vivement la manche de sa chemise sur ses yeux pour effacer les autres larmes. Elle balbutia, mais son maître vint s’agenouiller devant elle et la coupa.

-Reprends-toi, c'est rien. Bon, j'imagine que si tu prétends être un garçon c'est pour éviter les attouchements et autres actes à connotations sexuelles et rabaissant mais sache que peu m'importe que tu sois une fille ou non, tu n'auras jamais rien à craindre de moi. En te voyant dans la douche, j'aurais dû simplement ressentir du désir mais apparemment il n'y aurait pas que ça... Il est bien sûr totalement exclu que tu retournes à l'animalerie, j'aurais pu longtemps chercher quelqu'un comme toi sans jamais rien trouver. Finis de sécher tes larmes, tout va bien.

Les yeux du brunet paraissaient totalement sincères et il s’avança pour déposer un baiser léger sur sa joue humide. Au lieu de calmer ses larmes, la marque d’affection la fit s’écrouler. Elle sanglota, balbutiant des remerciements et des « désolés » avant de se jeter dans les bras de son maître qui attendit patiemment que l’hybride cesse de pleurer. Misa s’accrocha à lui, secouant la tête dans son épaule pour sécher ses yeux et elle refusait de le laisser partir lorsqu’il lui tapotait doucement le dos. Elle n’y pouvait rien, c’était un tel soulagement de penser que quelqu’un qui ne lui était même pas apparenté pouvait lui démontrer tant de tendresse était au dessus de ce qu’elle pouvait supporter. Elle avait si peur qu’il disparaisse à ce moment précis qu’elle restait là, en larme dans les bras du jeune homme, à moitié assise sur ses genoux. Il était si gentil, il n’avait même pas l’air de la considérer comme une esclave, il avait bien dit « quelqu’un comme toi » et non pas un esclave de ton calibre ou bien une servante telle que toi! Elle finit par se calmer, sa respiration redevint un peu moins hoquetant et elle releva la tête vers lui en reniflant. Le sourire d’Akiro la cueillit avant qu’il prenne la parole à nouveau.

-Au fait, je suppose que Sam est un faux nom, c'est quoi le vrai ?

-Je… Marysa… mais ma maman avait l’habitude de m’appeler Mary ou Misa…

Sa voix était toute faible, un tout petit murmure qui devait sans doute suffire étant donné leur proximité. Elle réalisa justement à quel point il était près, leurs corps étaient encore collés de telle sorte qu’il devait sentir le léger renflement de sa poitrine au travers de la bande et elle était envahie de son odeur qui l’avait troublée au paravent. Son intention avait seulement été de rechercher un contact réconfortant, mais maintenant que sa crise de larmes était passée, elle réalisait comme il sentait bon et ses oreilles de chat eurent un petit mouvement qui chatouilla les cheveux du jeune homme. Le rouge monta aux joues de la neko, mais elle se refusa à s’éloigner tant qu’il n’aurait pas répondu. Elle avait une envie ardente de tout lui raconter à présent, mais les confessions pourraient attendre le lendemain, pour le moment la tristesse l’avait vidée et sa queue remuait pour exprimer sa fatigue.